Brutalement tiré du monde feutré des cabinets d’arts graphiques et sacré grand maître de la Renaissance allemande par les autorités nazies, l’artiste fut longtemps la chasse gardée d’une histoire de l’art saturée de nationalisme et de pangermanisme.
La redécouverte d’un maître ancien peut emprunter bien des voies. Lorsqu’un amateur convaincu lutte pour faire reconnaître les mérites d’un artiste méconnu ou qu’un musée dévoile des œuvres qui n’avaient jamais été exposées auparavant, tout va pour le mieux. Mais quand c’est un pouvoir politique qui est à l’initiative et que celui-ci instrumentalise un nom pour asseoir son idéologie, les choses dégénèrent fatalement. Le cas Altdorfer en est un exemple canonique. À l’aube du XX e siècle, rares sont les historiens de l’art ou amateurs connaissant l’existence d’Altdorfer. Son corpus exact est encore opaque et si son nom a échappé à l’oubli, c’est surtout parce qu’il figurait dans d’anciens inventaires de collections princières. Le principal acteur de la réévaluation du maître est le connaisseur Max Jakob Friedländer, qui deviendra en 1908 directeur du Kupferstichkabinett et en 1924 le successeur de Wilhelm von Bode à la tête de la Gemäldegalerie de Berlin. En faisant de l’artiste l’objet de son doctorat en 1891, il enclenche une dynamique qui conduit toujours plus de chercheurs à se pencher sur son cas. Pour la seule…
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