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Lot n° 89

BERNARD BUFFET (1928-1999) Arbres près de l'étang,...

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BERNARD BUFFET (1928-1999) Arbres près de l'étang, 1964 Huile sur toile Signée et datée ‘[19]64' en haut à gauche Timbre de la Galerie David et Garnier au dos (Lacunes de couche picturale et soulèvements le long du bord inférieur) 97 x 130 cm - 38 3/16 x 51 3/16 in. Un certificat de la Galerie Maurice Garnier, en date du 10 septembre 2022, sera remis à l'acquéreur. PROVENANCE - Galerie David et Garnier, Paris - Collection Antoine Pinay (1891 - 1994), homme politique français (acquis auprès de cette dernière) - Collection particulière, France (par descendance) BERNARD BUFFET « Buffet n'a suivi aucune des tendances de son temps. Il ne s'est pas soucié de recherches, de tentatives systématiques, et son succès fournit plus de matière à la sociologie que son oeuvre n'offre de renouvellement à l'esthétique. Il diffère complètement en cela de la nature et du génie protéiforme de Picasso ; on dirait même qu'il a repris la peinture avant Picasso, comme si ce dernier, semblable un peu à ce que sont Proust ou Joyce en littérature, avait poussé ses expériences jusqu'à la limite au-delà de laquelle l'expression s'épuise et s'efface. Buffet n'a pas écrasé ses couleurs contre ce mur atteint ; il n'a pas cherché, de son pinceau, à perforer le rempart de l'incommunicable ; il ne s'est pas fait éclater la tête contre l'audelà des choses. À y bien regarder, Buffet est classique, presque un académique, le seul académique important de notre époque, qui a poursuivi d'un pas personnel la route tracée par Monsieur Ingres et par Monsieur Courbet. Certes, comme ses devanciers, il a peint des animaux, des arbres, des bouteilles, des couteaux, des visages de femmes et d'hommes, des architectures : Paris, Venise. Tout cela avec une abondance qui dépasse la commune mesure. Mais il n'a pas craint, réunissant tous ces éléments, de revenir aux grandes compositions. Il ne s'est pas préoccupé des impératifs commerciaux ; il n'a pas mesuré la taille de ses tableaux aux dimensions des appartements bourgeois. Il n'a pas hésité à faire de la peinture de sujets, en reprenant des thèmes souvent traités avant lui : la Passion du Christ, les Horreurs de la Guerre, allant même jusqu'au tableau d'histoire et de bataille, telle la série des Jeanne d'Arc ; et tout cela sur des toiles géantes, incommodes, inaccrochables, sauf en des châteaux, des musées ou des salles de justice, agressives jusqu'à imposer un certain malaise, ce genre de toiles dont beaucoup disent : "On n'aimerait pas dormir avec ça dans sa chambre", comme si la peinture était faite pour dormir devant. Ajoutons que ses sujets, que les intentions de ses compositions sont immédiatement perceptibles. Encore une fois, c'est un classique. Au regard de ses contemporains, Buffet figure un élu de la chance. Et il l'est certainement. Mais la chance est une visiteuse rare qui ne se présente pas deux fois si l'on n'a rien à lui offrir. La chance, cela se travaille, comme la mémoire. Je soupçonne Buffet, dont la personne fait penser tantôt à l'insecte, tantôt au roseau – même charnu l'insecte paraît maigre et même résistant comme un câble le roseau paraît fragile –, je soupçonne Buffet, à la démarche onduleuse, à la voix volontiers chuchotante comme un frémissement d'élytre, de détenir un potentiel d’énergie supérieur à la moyenne humaine, en tout cas à la moyenne des peintres, et d’être atteint, quelque part sous le front, de gigantisme et même de mégalomanie. Son oeil, peut-être, comme celui des chevaux, voit les objets plus grands que nature, c’est-àdire plus grands que ne les juge ordinairement l’oeil humain. Êtres et choses, sur ses toiles, ont généralement une taille d’un tiers supérieure à leur modèle ; cela ne doit pas être pour rien ; la miniature n’est pas son affaire. L'excès marque ses entreprises ; on dirait que le tour de force chez lui est une habitude, le travail une nécessité de tous les instants, et la démesure, sa mesure. L'atelier, les ateliers où il travaille sont à ce point de vue révélateurs. Le désordre habituel aux lieux de la création y prend également des proportions géantes ; les couleurs ne sont pas étalées sur une palette, elles sont réparties dans des moules à tarte comme d'énormes gâteaux de ciel, d'arbres, de soleil et de sang attendant la cuisson. Les pinceaux neufs s'entassent par fascines [note : fagots ; assemblage de branchages] ; les pinceaux usagés s'accumulent dans un coin comme les baïonnettes récupérées sur le champ d'une bataille gagnée ; les bouts de cigarettes emplissent des seaux de cuivre, les chiffons forment des collines diaprées. Les traces du labeur ses accessoires, ses déchets, témoignent de l'importance du labeur lui-même [...]. » Maurice Druon, « “La grande peinture” n’a jamais fait rire », in. Bernard Buffet, Paris : Hachette, 1964, n.p.

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