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Lot n° 9

ANTOINE VOLLON (1833-1900)

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Léon Gambetta quitte Paris en ballon dirigeable en 1870 Huile sur toile, signée en bas à droite. 33,4 x 39, 8 cm. Né de la chute du Second Empire et de la défaite de Sedan, le gouvernement de la Défense nationale charge Léon Gambetta, ministre de l'Intérieur, âgé de trente-deux ans, qui proclama la République le 4 septembre 1870, aux côtés notamment de Jules Favre et Jules Ferry, de quitter Paris, assiégé par les Prussiens, et d'organiser en province la résistance contre l'envahisseur. Pour franchir les lignes prussiennes, qui rendent les fleuves et routes impraticables, le fougueux ministre a l'idée d'emprunter une montgolfière. Il met à contribution marins et gendarmes pour la fabrication et le nouage des cordages et ouvriers et ouvrières pour la réalisation de trois nacelles en osier. Le photographe et aérostatier Félix Tournachon, connu sous le pseudonyme de Nadar, prête ses ateliers de Montmartre pour assurer le tissage des enveloppes de ballons, ensuite transportées à la gare d'Orléans (aujourd'hui gare d'Austerlitz) où elles sont vernies et cousues. Les usines à gaz de Clichy et de la Villette assurent le remplissage des engins. Le ballon du ministre, de seize mètres de diamètre, est nommé Armand Barbès, en référence au célèbre militant révolutionnaire et républicain des années 1830-1840, décédé quelques mois plus tôt. Gonflé au gaz d'éclairage, il s'élève de la butte Montmartre au matin du 7 octobre 1870 Victor Hugo assiste par hasard à la scène. Dans « Choses Vues », son journal intime, le romancier, rentré il y a moins d'un mois d'un exil de 19 ans, raconte: « 7 octobre. Ce matin, en errant sur le boulevard de Clichy, j'ai aperçu au bout d'une rue entrant à Montmartre un ballon. J'y suis allé. Une certaine foule entourait un grand espace carré, muré par les falaises à pic de Montmartre. Dans cet espace se gonflaient trois ballons, un grand, un moyen et un petit. Le grand, jaune, le moyen, blanc, le petit, à côtes, jaune et rouge. On chuchotait dans la foule: Gambetta va partir. J'ai aperçu, en effet, dans un gros paletot, sous une casquette de loutre, près du ballon jaune, dans un groupe, Gambetta. Il s'est assis sur un pavé et a mis des bottes fourrées. Il avait un sac de cuir en bandoulière. Il l'a ôté, est entré dans le ballon, et un jeune homme, l'aéronaute, a attaché le sac aux cordages, au-dessus de la tête de Gambetta. Il était dix heures et demie. Il faisait beau. Un vent du sud faible. Un doux soleil d'automne. Tout à coup le ballon jaune s'est enlevé avec trois hommes dont Gambetta. Puis le ballon blanc, avec trois hommes aussi, dont un agitait un drapeau tricolore. Au-dessous du ballon de Gambetta pendait une flamme tricolore. On a crié: Vive la République ! » Mais le vent pousse le ballon de Gambetta vers le nord et les lignes prussiennes. . . Les passagers lâchent du lest pour s'élever et échapper aux tirs ennemis. Leur ballon s'écrase en milieu d'après-midi près de Beauvais, où ils sont recueillis par des paysans. Après trois jours de voyage épique en voiture à cheval et en train, Gambetta arrive enfin à Tours où il rejoint une délégation gouvernementale dirigée par Adolphe Crémieux où, désormais également ministre de la Guerre, il lève en quatre mois de nouvelles armées de plusieurs millliers d'hommes « avec une rapidité tout à fait incroyable » (selon le mot du général prussien Moltke). Bien qu'il soit partisan d'une « guerre à outrance », la capitulation de Bazaine à Metz le 27 octobre, l'échec de la jonction entre « l'armée de la Loire » avec les Parisiens assiégés et enfin la rédition de la capitale épuisée le 28 janvier ont raison de ses efforts. Il démissionne de ses fonctions le 6 février 1871. Après le traité de Francfort signé le 10 mai 1871, qui met fin à la guerre, il contribue à la pérennisation du régime républicain. La Général prussien von der Goltz écrira plus tard: « Si jamais, ce qu'à Dieu ne plaise, notre patrie devait subir une défaite pareille à celle que la France a essuyée à Sedan, je désirerais vivement qu'il vint un homme qui sût, comme Gambetta, l'embraser de l'esprit de résistance poussé jusqu'à ses dernières limites ». Le geste épique de Gambetta et cet acharnement dans la lutte patriotique marquèrent durablement les esprits: on dénombre 1 501 rues Gambetta en France, ce qui en fait le sixième nom propre le plus donné à nos voies urbaines

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