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Le nu redéfini par Moïse Kisling

Publié le , par Christophe Provot
Vente le 22 octobre 2024 - 14:00 (CEST) - Salle 5 - Hôtel Drouot - 75009
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À travers cette toile inédite à laquelle il vouait une tendresse toute particulière, le maître polonais signe un manifeste de sa vision de l’art du nu, truffée de références tant aux maîtres anciens qu’à la modernité.

Moïse Kisling (1891-1953), Nu assis sur l’herbe, 1950, huile sur toile, signée et...  Le nu redéfini par Moïse Kisling
Moïse Kisling (1891-1953), Nu assis sur l’herbe, 1950, huile sur toile, signée et datée, 89 70 cm.
Estimation : 200 000/300 000 

Inutile de chercher un visage réel dans ce Nu assis sur l’herbe. L’artiste livre dans cette œuvre de maturité, peinte trois ans avant sa mort, la quintessence du nu, tout à fois idéalisé, intemporel et universel. Très attaché à cette œuvre, Kisling n’a jamais voulu s’en séparer. Demeurée dans sa descendance par voie de succession, elle a été acquise auprès de cette dernière par son actuel propriétaire. Plusieurs fois exposée au Japon entre 1975 et 1984, elle ne l’a été qu’à deux reprises à Paris, notamment lors de la rétrospective Kisling de novembre 1984 au Petit Palais. Souvent admirée, sa première apparition sur le marché n’en sera que plus remarquée. Peintre des fleurs, Kisling est aussi celui des garçons – ainsi du Jeune Gitan de 1952 et issu de la même collection (120 000/180 000 €) –, et bien sûr des femmes. Le nu occupe une place particulière dans son œuvre. C’est vers 1914 qu’apparaissent les premières compositions dans ce genre. Au sortir de la Première Guerre mondiale, un type de nu que l’on pourrait qualifier de « décoratif » se cristallise dans son travail. Il le construit avec des lignes stylisées et précises, avec des formes claires qu’accentuent des couleurs pures et saturées. Ainsi que l’écrit l’historien d’art polonais et directeur de musée Tadeusz Dobrowolski (1899-1984) : « Il accentuait ses figures féminines, en particulier les nus de jolies filles, avec un modelé fort et arrondi, conduisant parfois à une exagération des hanches, peut-être en suivant l’exemple de Modigliani, dont il était l’ami. »

À travers cette toile inédite à laquelle il vouait une tendresse toute particulière, le maître polonais signe un manifeste de sa vision de l’art du nu, truffée de références tant aux maîtres anciens qu’à la modernité.

Et cependant, tout en regardant chez Modigliani, Kisling va au-delà avec ce nu sculptural aux proportions certes massives mais non dépourvues de grâce. Ici, les inspirations sont variées, et vont aussi bien du Titien à Ingres, que vers Renoir et jusqu’à Rodin. C’est la recherche de l’expression qui prime chez Kisling. La position presque compressée de la femme – semblable à une Vénus ou à une nymphe – dont la tête ploie sous le poids de la chevelure trahit cette démarche. À l’inverse de la majorité de ses nus, celui-ci n’est pas figuré dans un intérieur – le plus souvent son atelier de la rue Joseph-Bara à Paris –, mais dans un paysage verdoyant que l’on devine à peine, tant le cadrage est resserré. C’est dans le sud de la France, dans sa villa atelier « La Baie » de Sanary-sur-Mer, qu’il peint cette beauté à l’antique, dont les yeux en amande sont devenus sa marque de fabrique. À mi-chemin entre classicisme et modernité, Kisling insuffle dans ce nu un élément émotionnel fort, qui le rend reconnaissable au premier coup d’œil. L’artiste rend ainsi hommage à la beauté féminine, et y ajoute une étincelle de son propre tempérament.
 

Ecole de Paris
mardi 22 octobre 2024 - 14:00 (CEST)
Salle 5 - Hôtel Drouot - 75009 Paris
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